Luxemburger Wort, 28 septembre 2013, par Jean-Rémi Barland

Gustave Courbet en exil

La « belle fontaine » de David Bosc, un roman d’une écriture imagée.

C’est un des beaux romans de la rentrée. D’une écriture poétique et imagée, il semble comme peint en larges tableaux peuplés de personnages en mouvement. Écrivain spécialiste de photographie, de cinéma et d’art en général, David Bosc nous parle ici d’un peintre justement, Gustave Courbet, saisi à la fin de son existence, au moment où il quitte la France pour vivre en Suisse un exil de quatre années.

Nous sommes le 23 juillet 1873 et Courbet s’apprête à s’installer sur les bords du lac Léman, plus exactement dans la commune de La Tour-de-Peilz. La Commune justement, l’autre, la Française, celle qui secoua Paris, Courbet n’en parle plus. Elle demeure dans son cœur « comme un amour défunt » et semble un lointain souvenir. La police le surveille, épie ses faits et gestes, établit des fiches dénonçant par exemple le fait qu’il se baigne malgré l’interdiction formelle sur la grève du lac.

Tenir tête au malheur

Que fait-il d’ailleurs de ses journées ? Courbet qui avait énormément besoin qu’on s’occupe de lui participe avec enthousiasme à la vie sociale du pays. Membre de la chorale de Vevey, il chante (plutôt dans les aigus) et rencontre beaucoup de gens très différents. Il peint surtout, malgré ce qu’en disent ses détracteurs. Il s’intéresse également à la littérature mais ne comprend pas Baudelaire et finira par concevoir « un mépris pour les poètes ». Magnifique d’intensité et de sobriété, modèle de narration en trompe-l’œil, ce roman que David Bosc a intitulé « La belle fontaine » développe une narration par touches impressionnistes d’où se dégage le portrait d’un homme libre, courageux, profondément blessé qui « tient tête quotidiennement à son malheur ». Nous côtoyons un artiste surtout dont l’auteur précise qu’il conjurait l’absurdité du monde par la peinture et « montait contre lui de fragiles barrages que la nuit emportait ».

On le voit, David Bosc ne procède pas en historien mais en romancier capable de faire surgir d’une simple phrase des pans entiers d’une personnalité complexe, riche, attachante. Avec, au final, l’évocation de ses excès de boisson, de son décès le 31 décembre 1877 et du tableau Les trois baigneuses que Courbet avait avec lui à La Tour-de-Peilz, David Bosc ne néglige aucun aspect de l’homme et de l’œuvre. Un grand livre tout simplement !