Marianne, 14 octobre 2013, par Alain Dreyfus

Courbet, exilé dionysiaque

Le 8 juillet 1873, Gustave Courbet était un homme mort. Aux yeux de la police tout au moins, puisque cet artiste hors normes, acteur enthousiaste de la Commune de Paris – ce qui lui valut six mois de prison –, avait en douce filé en Suisse, un pays rustique, pas encore un refuge pour exilées fiscaux. Quoique. Courbet avait pris la fuite pour ne pas s’acquitter d’un impôt exorbitant, car les autorités de la IIIe République et son président, Mac-Mahon, lui réclamaient les fonds nécessaires à une nouvelle érection de la colonne Vendôme, détruite sur une suggestion du peintre par les communards. Avec une empathie et une érudition réjouissantes, David Bosc narre dans La Claire Fontaine l’ultime séjour de l’artiste, pas frappé pour autant du sceau de la mélancolie. Avec ses aides, Pata, Rapin, Cornu et Ordinaire, il continue de peindre et de vendre ses toiles à la chaîne, en faisant payer « aux bourgeois des prix faramineux ». Courbet bouffe comme un ogre, Courbet boit comme un trou, Courbet copine avec tout le monde, Courbet chante à tue-tête et Courbet baigne en toute saison son corps nu et ventru dès qu’une rivière ou une flaque d’eau lui apparaît. Rarement un roman aura rendu aussi palpable la vie d’un grand artiste qui fonçait dans le réel à bras-le-corps, avec une liberté et une joie de vivre sans égales.