Matin-Dimanche, 1er septembre 2013, par Michel Audétat
Gustave Courbet fait la planche
Les peintres inspirent-ils de bons romans ? Il est parfois permis d’en douter. Avec L’Œuvre qui présentait un artiste décalqué de Cézanne, Émile Zola n’avait produit qu’une laborieuse dissertation. Et Ramuz, qui ne manquait pourtant pas de talent s’était aussi empêtré dans son Aimé Pache, peintre vaudois. Méfiance donc : on ouvre prudemment La Claire Fontaine, où David Bosc évoque les quatre années que Gustave Courbet a passées en Suisse, et on ravale aussitôt sa suspicion. Dans cette claire fontaine, on a trouvé l’écriture si belle qu’on ne regrette pas de s’y être baigné.
Né à Carcassonne (1973) et auteur de deux autres romans parus chez Allia, David Bosc vit désormais en Suisse et il a sous les yeux, à peu de chose près, les mêmes paysages que Courbet découvrit après avoir quitté la France en 1873. Deux ans plus tôt, durant la Commune de Paris, le peintre avait appelé au renversement de la colonne Vendôme, ce qui fut fait. D’où ses « emmerdements », comme il dit : la Commune ayant été renversée à son tour, on lui présente la facture de la colonne et c’est pourquoi il file. En octobre 1873, Courbert s’installe à La Tour-de-Peilz. Il y vivra les quatre dernières années de sa vie.
D’où vient la réussite de David Bosc ? De son écriture précise et dense ? De la finesse avec laquelle il donne à voir, à respirer, à imaginer ? De la liberté ondoyante dont il use pour circuler dans la vie du peintre ? De tout cela qui concourt à dévoiler, peu à peu, le portrait d’un Courbet non pas à son crépuscule mais au plus près de sa source vive. Délesté des vanités parisiennes, peut-être plus libre qu’il ne l’a jamais été, voilà un homme qui laisse parler sa nature, s’imbibe de vin blanc, chante à la chorale de Vevey, peint une enseigne pour un aubergiste de Nyon et connaît la joie d’être au monde en faisant la planche sur les eaux du Léman.