Le Point, 21 juillet 2005, par Valérie Marin La Meslée
Médecine douce
Il en va de ce livre comme des maladies infantiles : quasi incontournable et hautement contagieux. Dans Précis de médecine imaginaire, Emmanuel Venet porte à l’écrit, avec autant de précision clinique que d’inspiration poétique, cette relation que chacun entretient avec la médecine depuis son enfance. Celle de l’auteur s’est déroulée à Bron, près de Lyon, où il exerce aujourd’hui le métier de psychiatre. Le lieu n’est pas sans importance, où s’ancre avec infiniment de charme ce récit largement autobiographique au miroir des maladies qu’il passe en revue.
La première, « rhumatismes », a pour décor le marché de Monplaisir, où la mère de l’auteur et Mme Bonnardier prenaient temps et soin de différencier l’arthrite de l’une de l’arthrose de l’autre. À l’oreille du jeune témoin, ces mots sur ces maux commenceraient de tisser le murmure que chaque enfant a perçu, la curiosité se mêlant à l’inquiétude, l’incompréhension donnant lieu à des confusions délicieuses ou terribles, ces « j’ai longtemps cru que » qui, plus tard, font naître des sourires attendris. Tout comme l’évocation du bruit perdu des ampoules que l’on sciait et de ces médicaments nommés remèdes, comprimés ou cachets.
La littérature n’est pas vierge de telles évocations, mais Venet puise dans ce matériau un magnifique répertoire de la patience humaine. Chaque pathologie, de la cystite à l’hystérie, des vers à l’épilepsie en passant par le traumatisme crânien ou encore la dépression (trois lignes de Venet valent tous les manuels de psys à la mode !), lui inspire un juste concentré d’une page ou deux, à mi-chemin entre la nouvelle et le traité, ourlé jusqu’à la superbe chute. Avec d’autant plus d’intensité dans l’émotion qu’il évoque, à « hypocondrie », son ami trop tôt disparu, l’écrivain et traducteur Bernard Simeone, rencontré à la fac de médecine. Celui qui publie son second livre à 46 ans (il en avait 32 quand le premier, tout différent, parut chez Gallimard) trouve une langue scellant l’accord parfait entre l’art expérimenté du praticien et celui de l’écrivain.