Télérama, 6 juillet 2005, par Michèle Gazier
Maux et animaux
Qui dira le plaisir de ces courtes proses qui flirtent avec la chronique, la poésie, le voir et le savoir, l’humour, l’art de la chute et de la pirouette, l’art d’écrire, en somme ? Le Précis de médecine imaginaire d’Emmanuel Venet est de cette eau. Entre maux et mots, il compose une série très blues de brefs récits sur ces maladies qui habitent nos corps et hantent nos imaginaires. La plupart nous renvoient à l’univers de l’enfance, du temps où ces termes plus ou moins savants – rhumatismes, cystite, brucellose, scorbut, paranoïa étaient auréolés de craintes et de mystères. Prononcés à voix basse par les parents, ils invitaient à la rêverie solitaire. Revisitant en praticien de la médecine et de l’écriture ce monde de la maladie et du soin, Emmanuel Venet se raconte discrètement. Portrait éclaté, exploration du temps passé, ressouvenance de cet hier dont nous sommes pétris, ce Précis peut aussi se lire comme une partition musicale sans cesse à redéchiffrer, à réinterpréter selon l’humeur. Sa relation intense à la mère est au cœur de cette promenade littéraire. Car tout s’invente là, dans le lien premier, dans le regard qu’on porte sur les maladies maternelles (arthrite), celles dont elle chuchote le nom avec ses proches… Savoir qu’elle est mortelle nous dit qu’on l’est aussi… Même ceux que la maladie effraie seront charmés par ces écrits qui disent en creux le bonheur fragile de vivre.