Le Monde, 9 mai 1980, par François Bott
La magie de la littérature
Les éditions Verdier publient, avec une préface de Maurice Nadeau, le journal qu’il a tenu de 1939 à 1942. On se trouve aussitôt dans un rapport d’amitié avec ce texte. « Sous la pression des nouvelles internationales, dit Joë Bousquet, la vie s’éclaire, se révèle dans sa grandeur menacée. J’apprends à approfondir l’angoisse et la douleur… Je n’ai plus qu’à écrire avec joie une œuvre de fin de monde. » Tandis que l’Europe s’enfonce dans le pire cauchemar de son histoire, un homme veille, reclus dans sa chambre. Il apparaît comme un Pascal, imposé par des circonstances funestes. Son état le contraint à la méditation. « Je veux que ma vie soit le salaire de ma pensée, dit-il… Je pense afin de continuer à être. »
Joë Bousquet, s’adressant à lui-même, écrit : « Ce n’est pas au moment où tu es las d’être toi que tu découvriras en toi la force de devenir un autre. » En le sauvant de sa lassitude, la magie de la littérature lui a permis de ressentir autrement son infortune. On peut croire qu’il aimait presque sa détresse, quand il s’employait à la dépeindre.