Le Soir, 22 mai 2009, par Pierre Maury
La Mongolie et les rêves
Sur la piste d’un personnage déjà rencontré dans un ouvrage précédent, Christian Garcin nous entraîne dans un voyage initiatique.
Christian Garcin pousse sa littérature vagabonde en direction de l’Asie, chaque fois un peu plus loin. Il prend la liberté de citer son nom, parmi une longue liste de personnages « un jour retrouvés recroquevillés dans un terrier, un sous-sol ou au fond d’une grotte, à l’intérieur d’une niche qu’ils avaient eux-mêmes creusée, comme de petits animaux trouvés mort-nés dans l’utérus maternel ». Cette image de corps repliés comme des fœtus court tout au long de La Piste mongole et engendre, en passant par le filtre des rêves, d’étranges filiations, aux antipodes de la raison. Dès la première page, on rencontre une chamane aux pouvoirs mystérieux. C’est le moment de décider d’entreprendre ou non le voyage…
Voyage initiatique dans lequel Rosario Traunberg s’est lancé sans préparation. Il ne connaît que son but : retrouver Eugenio Tramonti, probablement perdu dans l’immensité de la Mongolie. Les lecteurs fidèles de Christian Garcin le connaissent : il était le personnage principal du Vol du pigeon voyageur et de La Jubilation des hasards, deux livres qui apparaissent sous d’autres titres. Les lecteurs moins fidèles ne doivent pas s’inquiéter : ils feront sa connaissance en creux, puisqu’il est absent du roman – sinon pour des retrouvailles, tout à la fin.
L’anecdote, secondaire, est surtout le point de départ d’une quête qui s’oriente très vite vers une lecture différente du monde. Dès que Rosario décide de se laisser aller aux événements sans plus s’étonner, il entre dans une autre dimension. Où l’on accepte que « la réalité est un amalgame d’expériences qui interagissent selon des lois souvent imprévisibles. On ne la décrypte qu’à peine, et toujours selon une grille de lecture extrêmement réduite. »
Pour nous faire percevoir la complexité du réel, le romancier multiplie les niveaux de fiction. Un des personnages écrit quatre récits à la fois, imbriqués les uns dans les autres et influencés par ce qu’il vit, éveillé ou endormi. La part du sensible gagne du terrain sur les limites des sensations, l’imaginaire se transforme en faits irréfutables. Le lecteur accomplit un voyage initiatique à travers une Mongolie qui lui parle de choses inconnues et pourtant familières.