Lire, mai 2009, par Baptiste Liger
Étranges disparitions en Mongolie
Une quête onirique signée Christian Garcin, entre chamanisme et mondes parallèles.
A priori, la Mongolie n’est pas la plus évidente des destinations touristiques. Et il n’est pas sûr que le dernier roman de Christian Garcin, La Piste mongole, soit le meilleur tract pour l’office du tourisme local. Encore que… Allez savoir pourquoi, des disparitions inexpliquées se multiplient là-bas. Eugenio Tramonti (le héros du Vol du pigeon voyageur et de La Jubilation des hasards, précé-dents ouvrages (le Garcin) était en effet parti dans cette contrée asiatique afin d’y retrouver la trace d’un de ses amis géologue, le Russe Evgueni Smolienko. Étrange coïncidence ou répétition de l’Histoire, c’est au tour de ce journaliste marseillais de ne plus donner de nouvelles. Rosario Traunberg part alors au pays des yourtes pour tenter de mettre la main sur Eugenio. Sou odyssée entre la Chine, le lac Baïkal et Oulan-Bator lui fera rencontrer des individus atypiques, tout droit sortis d’un songe exotique sous substance hallucinogène. Dans cette Piste mongole, on croise entre autres un Chinois qui semble maîtriser ses rêves – même si un jeune garçon aime s’y incruster –, une chamane qui se projette dans les mondes parallèles et de nombreuses créatures oniriques, dont un bien curieux loup (des steppes ?). Bref, nous sommes « très loin en tout cas d’un quelconque folklore à touristes […]. Il y a comme une solidité de l’atmosphère, une gravité des écoutes, des attitudes de chacun, qui confèrent a tout cela une dignité antique, lourde de mystères et chargée de significations. » L’imaginaire est roi dans l’univers bigarré de Christian Garcin, qui cherche à explorer (exploser ?) toutes les frontières, pas seulement géographiques. L’écrivain s’amuse ainsi dans La Piste mongole avec l’opposition corps-esprit, propose des disjonctions entre réalité concrète (voire politique) et mysticisme, fait se côtoyer les vivants et les morts, mélange allègrement le stade conscient ou l’inconscient… Le lecteur pourrait se sentir perdu, mais la singularité de ton et l’originalité de l’écriture fascinent immédiatement. Mélange détonnant entre Antoine Volodine, Hermann Hesse et le cinéma de Miyazaki, ce grand labyrinthe narratif semble traversé par des forces mystiques, qui, sans cesse, nous projettent dans d’autres dimensions. Dépaysement garanti. Et ce, dans tous les sens du terme…