Télérama, 25 mars 2009, par Martine Laval
Qui parle ? Chen-le-maigre ? Surgündü-jambes-d’os ? Le loup Barük, l’avaleur des steppes ? Shamlayan-le-morveux ? Tous, et un seul : Christian Garcin, toujours plus fougueux à imaginer des personnages extravagants, plus que jamais enclin à se balader dans les labyrinthes de la littérature et à poursuivre une sorte d’autobiographie fictive. La Piste mongole annonce les retrouvailles avec quelques-unes des obsessions, toutes prédilections littéraires qui sont la marque de l’écrivain, son univers, son bon plaisir : la frontière – mouvante, invisible, fantasmée – entre le réel et le mensonge ; les souvenirs, rien qu’un capharnaüm fertile d’histoires ; et, plus insidieux, tenaces, des sentiments diffus comme l’absence, la fuite, la solitude. Christian Garcin a construit son nouveau roman de récits éclatés, superposition de feuilletons troussés à l’humour, comme autant de cailloux semés pour la bonne aventure, comme autant de fausses pistes peuplées de bizarreries et de pensées poético-chamaniques : « La mort n’est pas la vie, murmura-t-elle ensuite en me fixant de ses petits yeux noirs, ni non plus l’envers de la vie. L’envers, c’est le regard des bêtes. » L’écrivain, épaulé par ses multiples personnages – hommes, femmes, tous magiciens ou affabulateurs abonnés aux chemins de traverse – s’en va à la recherche (improbable…) de son héros Eugenio Tramonti, celui-là même que nous avions rencontré dans deux précédents ouvrages (Le Vol du pigeon voyageur et La Jubilation des hasards, éd. Gallimard) et qui, depuis, est resté perdu quelque part en Mongolie… Quête insensée que de vouloir débusquer un héros de fiction, à moins que ce ne soit là que prétexte pour défier et le temps et la littérature. Portés par un phrasé sinueux – sensuel et facétieux –, les récits se chevauchent, font perdre la boussole et la tête à l’intrépide lecteur. Car ici commence le voyage, quelque part en Mongolie, quelque part au pays des chimères.