La Quinzaine littéraire, 16 février 1998, par Gérard Noiret
François Bon ne guette pas simplement ce qui « dépasse » les contours (ce qui signifierait que le dedans et le dehors sont clairement séparés). Il met en question(s) l’amont et l’aval de la « futilité » quotidienne, les frontières de ce qui est perçu comme vrai. Il a beau écrire à partir de contextes différents, il ne pratique pas des repérages de cinéaste. Il se confronte à des situations, qui pour être librement consenties n’en demeurent pas moins des expériences existentielles. Il y met en jeu plus que sa vue et sa sensibilité. Il y risque son langage et sa mémoire.
Écrivain des périphéries, des gares, des rocades, des friches industrielles, il ne prend jamais ces géographies comme des paysages extérieurs. Il en saisit la marque dans les mentalités. Il ne nous refait pas le coup des Impressionnistes ou celui du polar français des années quatre-vingt. L’urbain est pour lui autre chose qu’un décor. Autre chose qu’un exotisme ou le moyen de critiquer une littérature considérée (à tort ou à raison) comme trop salonnarde. Il est un lieu d’un bouillon de culture où l’entassement vertical des misères donne naissance à des formes, à des corps, à un parler de transition. Il est un processus ininterrompu de créations d’expressions qu’aucun art ne vient fixer.