Libération, 25 mars 1993, par Jean-Baptiste Harang
François Bon a construit, en six courts récits qui se répondent les uns aux autres, le portrait personnel d’un monde qui s’éteint peu à peu à nos oreilles, le monde où les hommes travaillent, de leurs mains, ou avec des outils au bout des bras tendus, ou à l’aide de lourdes machines de centaines de tonnes commandées par un homme jamais à l’abri des salissures, exposé aux blessures, où la faute d’inattention peut être mortelle. Un monde où l’on pouvait dire le travail inhumain pour la raison même que l’homme fier ou contraint, le plus souvent contraint et fier, y forçait sa nature. Ce monde en noir et noir où les couleurs ne sont que des parfums, de la chaleur ou de la graisse, le bleu des chalumeaux, le soleil captif des fours, « l’odeur bleuissante de la tôle ».