Télérama, 26 février 2011, par Nathalie Crom

Sélection Télérama/France Culture : Des femmes disparaissent de Christian Garcin

Ce n’est pas la première fugue chinoise que s’offre Christian Garcin. Il y a onze ans, Le Vol du pigeon voyageur, son premier roman – il avait publié auparavant des poèmes, des essais littéraires, des récits –, déjà l’avait emmené en Chine, et déjà sur les traces d’une femme disparue, en l’occurrence la fille du narrateur. Fausses pistes, hasards heureux ou pas, indices fantasques et anecdotes sibyllines jalonnaient l’itinéraire de ce personnage, et la même logique narrative est à l’œuvre dans Des femmes disparaissent. Où l’on croit un temps qu’on va accompagner le personnage principal, un détective privé chinois du nom de Zhu Wenguang, dans son entreprise consistant à aider à la libération et la fuite de jeunes femmes mariées de force, vendues par leurs parents, séquestrées et battues par leurs frustes époux. Où l’on se retrouve très vite immergé dans une affaire romanesque bien plus rêveuse et mélancolique qu’il n’y paraissait de prime abord. Derrière l’intrigue centrale, disons quasi policière, se profilant et s’imposant un tout autre enjeu.

Confronté à ces femmes souffrantes qu’il arrache au joug conjugal barbare, à ces femmes au destin accablé, c’est à celles qu’il a aimées, et perdues, que pense le placide et mutique et énigmatique Zhu Wenguang, alias Zuo Luo, alias Zorro. Trois femmes précisément, trois visages, « Yatsunari Sesuko, Yang Cuicui, Zhang Leyun, trois douces présences arrachées un jour à lui par le hasard, la violence, ou de ce que l’on nomme le destin, se disait-il, qui n’est que l’assemblage à la fois hasardeux et violent de circonstances d’une stricte et obscène neutralité, totalement vierges d’objectifs ou de la moindre intention. » Cette quête intime sur les traces de ses amours perdus se mêle à son activité de détective, l’entraîne de la Chine vers New York et le Japon. Il y a énormément de fantaisie, de vivacité, de vraie et élégante drôlerie dans ce parcours – mais tout cela modulé par un désenchantement discret et tenace, un secret fond d’anxiété.