Télérama, 7 janvier 1998, par Michèle Gazier

Les premières pages de Prison ont le rythme et le phrasé des écrits de Claude Simon. Même roulis d’une écriture qui cherche à embrasser et à comprendre un univers qui se dérobe. Même scansion voluptueuse. François Bon tourne autour des mots, des êtres et des choses. Il cherche à pénétrer cette logique absurde qui conduit du délit à l’enfermement, et de l’enfermement au délit. Il explore les phrases des détenus, les tourne et les retourne sous sa plume, comme des galets. […]

Pour les détenus, une barrière est franchie. Une première ligne de défense est tombée. L’écrivain reste à l’extérieur de leur cercle, mais il parvient à les faire parler. Il mêle leurs bribes de récits à sa propre voix. Il casse son lyrisme initial. Il met son écriture au service des autres. Plus tard, il se fera le récitant de ces textes arrachés au silence. Mais d’abord, il multiplie les exemples, les approches. Il évoque des fragments de leur existence marginale, de tristes histoires qui sont toute leur histoire et qui leur tiennent lieu de vie.

Peu à peu, des voix sortent du groupe, des lignes de fuite et d’espoir se dessinent, des mots fédèrent les rêves : train, voyager, gare, route, ville… Au bout du chemin, il y a toujours la prison, la solitude et la promiscuité. Au bout de l’atelier, il y a ce livre magnifique dont l’écriture finale n’est plus tout à fait celle de François Bon, pas complètement celle des détenus, mais une sorte de synthèse, un chœur. Comprendre ces hommes, c’est faire entendre leur voix, la rendre intelligible, l’accompagner, la soutenir comme le fait un musicien pour un chanteur.