Libération, 16 janvier 1997, par Jean-Baptiste Harang
Il faut lire Un gâchis en n’en sachant rien, le lire les yeux écarquillés, l’entendre même les oreilles fébriles, incrédule et compassé, comme on reçoit les confidences d’un inconnu qu’on ne pourra pas interrompre. Et si vraiment on préfère savoir ce qu’on lit, puisque le texte est court, on le lira deux fois, la première innocemment, il y est question d’innocence, et la seconde en connaissance d’une cause sans défense. […]
Un gâchis est un roman, pas un document, la fébrilité de son écriture est contagieuse, l’écriture pénètre l’esprit du lecteur par sa musique, sa beauté, sa simplicité crue, avant, bien avant que le sens lui parvienne. La sophistication sait se faire oublier sous les apparences de la simplicité, la différence de registre entre le vocabulaire, les images utilisées, et le statut social de celui qui parle ne choque pas, mais au contraire semble être le secret de la consistance, de la solidité d’un texte qui dit la fragilité et la perdition, et une sorte de dignité dans l’abandon et le crime.