Télérama, 5 avril 1989, par Michèle Gazier
Pour Dumayet, écrire, c’est vivre, et vivre ce n’est pas s’asseoir dans un wagon de première classe, et attendre que le train s’ébranle et file droit sur des rails bien huilées. Vivre, c’est prendre des chemins buissonniers, des chemins de traverse. Se laisser surprendre, s’obliger à tracer soi-même sa route au bout de ses souliers. Dans la vie comme dans les livres à la Dumayet, tout se passe comme au billard : on vise une boule qui va en cogner une seconde qui file sur une troisième qui tombe dans le trou. À la ligne droite ou courbe du roman, il préfère la ligne brisée de l’existence. D’où cette jeunesse, cette vitalité, cet aspect à la fois farfelu et profond de son itinéraire littéraire. Il y a, dans ce récit, du Pierrot le fou selon Godard, mais sans passion ni tragédie. Il y a du Michaux aussi. À nous promener ainsi aux marges de vies intimes et ordinaires, Pierre Dumayet nous dit par instantanés successifs les mystères et les étonnements de l’être face au monde. Avec juste ce qu’il faut de tendresse, mais aussi de drôlerie, de rosserie. Cet anti-roman est un grand livre de sagesse : comme ses héros n’aimerions-nous pas « savoir ce que le jour nous cache » ?