La Liberté, 25 août 2007, par Alain Favarger

Le joumal d’un anxieux

Natif de Brive‑la‑Gaillarde en 1949, l’écrivain au visage buriné comme une silhouette de Giacometti a à son actif une bonne quarantaine d’ouvrages. Tous plus ou moins variations de ses obsessions : le paradis de l’enfance perdu, la quête des origines, le rapport frustrant avec le père. Cette thématique se retrouve à l’œuvre dans les carnets de notes de l’écrivain, dont on ouvre aujourd’hui le second volet couvrant les années 1991‑2000. On y retrouve les mêmes préoccupations qui faisaient la trame du précédent volume sur les années 80. Les menus faits de la vie ordinaire, l’attention au parcours de Jean et Paul, les deux fils du diariste, la célébration de l’amour voué par celui‑ci à sa femme, sans aller toutefois jusqu’à l’effusion sensuelle. On reconnaît aussi la lassitude de l’enseignant, qui officie dans un collège de la région parisienne. Si une année sabbatique vient rompre cette monotonie, elle ne suffit pas à apaiser les angoisses de l’écrivain rivé presque tous les jours et très tôt à sa table de travail pour accoucher de ses « deux pages réglementaires ».

L’autoportrait livré ici est celui d’un homme inquiet que tourmente sans fin la figure du père décédé avec l’ombre du peu d’affection qu’il avait dispensée à ses enfants. Un homme qui voyage peu, qui ne fréquente guère les théâtres, salles de concert ou cinémas et passe toutes ses vacances dans sa Corrèze natale. Outre l’écriture, cet ascète moderne tente d’apaiser ses tensions à travers ses hobbies, la pêche, la sculpture sur fer, pratiquée avec frénésie, ou en courant les bouquinistes dans une quête boulimique et encyclopédique. La réussite du livre tient dans l’expérience intérieure qui le hante, plus forte et authentique que bien des romans.