Le Magazine littéraire, septembre 2007, par Serge Sanchez
Ce deuxième volume du journal de Pierre Bergounioux, Carnet de notes, 1991‑2000, nous fait pénétrer dans l’atelier de l’écrivain. Professeur de français près de Paris, il a entre 40 et 50 ans et vit en compagnie de sa femme, Cathy, chercheuse au CNRS, et de ses fils, Paul et Jean. Les obligations de la vie courante, enseignement, correction de copies, menus travaux de maçonnerie, ne lui font jamais oublier ce qui constitue la grande affaire de sa vie : la littérature. Levé tôt, toujours attentif aux clins d’œil de la nature – un insecte qui passe, un rayon de soleil qui perce les nuages –, il applique à ses travaux une rigueur flaubertienne, mais toujours atténuée par une sensibilité à fleur de peau ; autrement dit, un instinct dirigé qui est la marque du véritable artiste.
La Corrèze, point d’attache et lieu du bonheur de l’enfance, nourrit les livres de Pierre Bergounioux et revit dans sa descendance. C’est un bonheur pour Pierre quand son plus jeune fils attrape à la main une perche dans la rigole d’un bassin de dérivation de la banlieue parisienne, comme lui‑même le faisait autrefois sur sa terre natale. Bibliophile, admirateur de Faulkner, Pierre Bergounioux se nourrit de Bourdieu ou Bettelheim, chez qui il trouve écho à ses propres interrogations. Mélancolique artisan de la plume, il se double enfin d’un athlète acharné de la pensée et confirme sa place éminente, livre après livre, parmi les écrivains qui font aujourd’hui référence… Parmi ces ouvrages, Les Forges de Syam, publié initialement aux éditions de L’Imprimeur, et qui paraît simultanément en Verdier Poche. À travers l’évocation d’un laminoir 1900 toujours en activité dans le Jura, Pierre Bergounioux nous donne ici un beau texte sur l’énigme primordiale que constitue le passage du temps confronté au sentiment d’éternité.