Transfuge, avril 2013, par Sophie Pujas
« Il y a en vous un labyrinthe hanté par des peurs troglodytes. » Avec Peau d’ogre, Vincent Eggericx tente de passer au-delà de la surface ordinaire des choses, de l’autre côté de la vie et de soi-même. Que se passe-t-il dans cet étrange récit sous hypnose, porté par un souffle parfois fulgurant ? En apparence, peu de chose. Écrit à la deuxième personne du pluriel, il interpelle un homme qui poursuit dans la nuit parisienne une quête obscure. Le décor ? la Place de Clichy, un comptoir, la ville au rythme chaloupé de l’alcool et de l’insomnie. « L’ivresse est le masque de fer derrière lequel vous avancez dans la nuit. » Quelques échanges dans un bar, une rixe, des déambulations. Et les souvenirs d’un peintre disparu. Mais Vincent Eggericx ponctue son récit de figures de légende, d’Œdipe aux créatures des contes. Son territoire littéraire s’étend jusqu’aux frontières de l’Hadès et aux lisières de la forêt de Brocéliande. Il explore ce point de conscience où l’existence se fait mythe. Peu à peu, la tragédie s’annonce, sous le visage d’une mauvaise rencontre librement consentie. Un long requiem, élégant et poétique, vers une mort accueillie comme une ultime métamorphose. « Quand nos civilisations meurent nos regards s’éteignent dans la lumière des villes. »