Études, juillet 2007, par Gwendoline Jarczyk

« Quelqu’un avait dû calomnier Josef K., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin » : ces premiers mots du Procès donnent le coup d’envoi de la « lecture de Kafka » que propose ce bel essai, « fruit d’une présence ininterrompue » : événement initial qui marque une vie en la plaçant « sous le fil de l’irrémédiable ».

Invitation à un voyage au long cours, car « Kafka est en chaque lecteur […], et on ne peut apprendre à lire Kafka qu’en lisant Kafka ». Il demande en effet à être rejoint en ce « point muet où se fait la parole du lecteur » : ainsi accède‑t‑on à ce « réel » qui « n’est qu’un état irréversible du possible, à jamais figé ». « Voyage sans retour », ici mené à travers la totalité de l’œuvre (à l’exception d’Amérique, ou L’Oublié, le premier roman), et vécu comme l’« espoir insensé » d’un « cheminement stationnaire » : « une voie et pas d’issue ». De quoi donc le héros de Kafka devrait-il se reconnaître coupable ? « Sa faute est celle‑ci : il doit avouer, c’est‑à‑dire cesser d’exister en tant qu’accusé. Or Josef K. n’a rien à avouer, c’est bien de cela qu’il est coupable, de ne pas savoir. » Paradigme d’une singularité qui accède ainsi à l’universel : Kafka met en scène cette « faute » impardonnable de n’avoir rien à se faire pardonner ; sous les traits du « proscrit, au mieux en sursis », « c’est bien de la condition juive que parle Kafka et, par là, de la condition humaine ». Honte, nudité, exposition de soi : « C’est avant le premier instant que tout était possible, dès le premier instant tout est trop tard, c’est ce que dit Kafka en affirmant que sa vie est l’hésitation avant la naissance. » L’absurde kafkaïen, Georges‑Arthur Goldschmidt a le talent de le rendre sensible par expérience propre ; car « la loi de tout humain, écrit Kafka, c’est que, parmi les vivants, il n’est personne qui puisse se débarrasser de lui‑même ». Celui qu’on cherche habite tout à côté.