La Liberté, 15 décembre 2007, par Alain Faverger
Poète de la marge et des lisières, Jean‑Yves Masson n’arpente pas les rives du fantastique. Mais plutôt celles qui mènent au vertige intérieur, aux gouffres de l’inconnu. Ce vide sidéral d’où l’on vient et où nous allons, le coeur chevillé à la nostalgie des bonheurs perdus. Dans une suite de nouvelles qui sont autant de petites paraboles d’une quête de vérité, l’écrivain se confronte à l’énigme de sa présence au monde. Un questionnement qui emprunte des chemins de traverse, brouille les pistes entre le rêve et le réel. Comme dans cette histoire, intitulée « Un égarement », où l’on voit un garde forestier qui a passé toute sa vie sur la ligne mystérieuse entre deux pays, deux langues, se perdre une nuit. Dérangé par des bruits de pas autour de sa maison, il se met à poursuivre les gêneurs, finit par s’égarer et se retrouver le lendemain non loin de B., la première ville de l’autre côté de la frontière. À partir de là, personne n’est en mesure de le reconduire chez lui. Vertige, désarroi, pressentiment d’une menace, Kafka n’est pas loin. Est-on dans un cauchemar ou dans une impasse plus concrète comme dans cette autre nouvelle sur l’impossible retour à la mère, figée comme un fantôme dans le royaume des morts ? C’est au lecteur de répondre pour peu qu’il entre dans cette maison de mots ou un écrivain tente de comprendre l’inconnu qui est en lui.