Télérama, 20 avril 1988, par Michèle Gazier
Pierre Michon déconstruit savamment l’image que la postérité garde de l’ami Roulin. Il sonde son passé, sa famille, ses amis, et l’ennui sans fin de sa vie d’employé fidèle. Derrière le bonhomme à la barbe fleurie apparaît alors un fantôme familier, qui sommeillait là dans la gloire des croûtes devenues chefs-d’œuvre. Et dans le regard du modèle, on découvre l’ombre du peintre. Et soudain, l’image se met à onduler, l’homme à vivre, le peintre à souffrir. Nous sommes revenus en arrière, dans une ville que Vincent n’avait pas encore immortalisée. Roulin, en ce temps-là, aidait simplement un homme à ne pas mourir tout de suite, à se sentir un peu moins cet éternel étranger dans tous les pays et parmi tous les hommes. […]
Il fallait à Pierre Michon beaucoup de tendresse pour débusquer, derrière les soleils brûlants de la postérité, le souffle haletant ou paisible du mal de vivre.