Vient de paraître, septembre 2007, par Marc Blanchet
Alors qu’il vient de publier un ensemble de poèmes (Neuvains du sommeil et de la sagesse, éditions Cheyne), Jean‑Yves Masson – traducteur émérite de l’anglais, de l’italien et de l’allemand (un Requiem de Rilke paraît dans la collection de poche chez Verdier, sans oublier l’essai chez le même éditeur sur Hofmannsthal Renoncement et métamorphose, paru en même temps que la traduction intégrale des poèmes de cet auteur) – montre (malgré lui !) au sein de cette rentrée littéraire que l’excellence de notre littérature française peut s’imposer en dehors du roman. Ici, pas de longue narration, pas d’intimité bavarde ni de bonnes intentions d’une littérature entre fresque et chronique, seulement quelques récits, nouvelles si l’on veut, qui s’approchent de notre raisonnement et nous font pénétrer lentement parmi des esprits en rupture avec la réalité, des êtres confrontés soudain à l’oubli autant qu’à l’inoubliable. Réalités mythiques, journées soudainement divisées dans leur déroulement, mondes en conflit : ces nouvelles sont de petits livres d’heures, qui ne sont pas sans nous faire penser à un certain héritage de la littérature romantique où la réalité côtoie le rêve, et parfois entre en lui malgré ses résistances, ses craintes ou même ses désirs. Aussi perdons‑nous la trace du chemin dans « Un égarement », ou du temps dans « Une description ». L’homme est dans ce qui le fait disparaître, oublier des autres, même s’il s’inscrit dans l’effort d’une remémoration. Rien n’y fait : ses heures sont comptées, ce qu’il voit, touche ou appréhende le rapproche des morts. L’écriture de Jean‑Yves Masson est juste autant qu’émouvante, elle donne un corps à ces êtres en cours de désincarnation. Elle témoigne aussi d’un paysage mental, et donc d’un univers littéraire original, fait d’obsessions jamais imposées de manière didactique, comme si nous-mêmes nous devenions les sujets fragiles de ces textes, et vivions, dans le miroir de la prose, notre effacement dans le leur.