Le Monde, 19 octobre 1990, par Philippe Dagen
Plus que le savoir de celui qui excelle à passer entre les dates de l’Histoire et ironise sur Vasari, plus même que le talent avec lequel il ressuscite peintures et peintres, la force de mélancolie de Pierre Michon est remarquable. Il atteint à un tragique dépouillé, efficace parce qu’il refuse les gros effets, éloquent parce qu’il s’interdit la rhétorique. Les « vrais » biographes de Watteau et de Piero della Francesca peuvent s’obstiner à chercher le détail vérifié, le romancier les éclipse. Les pages où Watteau agonise, un été à Nogent, et celles où Lorentino rend visite à Piero, devenu aveugle, tiennent du chef-d’œuvre et, pour une fois, le mot n’est pas employé par commodité.