Le Soir, 17 janvier 1996 par P. My

Cela arrive rarement. Une fois par an ? Moins encore ? Mais il est des livres dont la beauté coupe le souffle, et au sujet desquels on n’a envie que d’intimer l’ordre formel de les lire. Les décrire paraît dérisoire, parce qu’on mesure l’impossibilité de transmettre une admiration aussi vive. On voudrait se contenter de reprendre la première page, et la recopier en souhaitant au lecteur de courir chez son libraire chercher la suite. […]

L’anecdote est beaucoup moins importante que la manière. Il n’est décidément d’écrivain que par l’écriture, et Pierre Michon vient de nous donner par ce biais, deux des plus grandes joies de ces dernières années.

On peut ajouter une chose, qu’il était impossible de percevoir dans les premières lignes de ces textes mais qui saute aux yeux quand on les a refermés : dans les deux cas, le récit est comme interrompu en plein vol, sans véritable conclusion. Au moment où le plaisir est le plus intense, Pierre Michon met le point final et on reste curieusement moins frustré que placé encore, pour longtemps, sur le petit nuage de bonheur qu’il nous a offert.