L’Humanité, 12 janvier 1996, par Jean-Claude Lebrun

Pierre Michon met ici en jeu toute une complexité humaine, dans une prose aussi limpide et impétueuse, mais aux profondeurs aussi agitées de mouvements obscurs, que la Grande Beune.

Une écriture à la fois fluide et dense, délivrant un plaisir rare, que l’on retrouve à l’égal dans Le Roi du bois, une courte fable tout aussi emplie de sensualité, où l’on voit un ancien disciple du peintre Claude Le Lorrain finalement chercher dans le profond des forêts la sorte d’émotion charnelle et de plaisir qu’il avait pensé trouver dans l’art. Là encore, c’est vers la nature double de l’être humain que se tourne Pierre Michon, l’archaïsme indissolublement mêlé au raffinement du savoir et au trouble de la conscience. Avec à la fin l’affirmation de la douleur qui en résulte, à travers une exhortation provocatrice, « maudissez le monde, il vous le rend bien », pas si éloignée que cela de l’apaisement trop lourdement souligné du final de La Grande Beune, « et enfin nous dormions tous, la Beune continuait ». Une double entrée en matière de choix, pour qui ne connaîtrait pas encore cet écrivain discret, mais considérable, qu’est Pierre Michon.