Le Nouvel Observateur, 10-17 mars 2005, par Frédéric Vitoux
Biamonti posthume
Vingt-neuf feuillets, tout ce qui demeure d’un roman inachevé de Francesco Biamonti, nous parviennent après sa mort. Pour mieux nous faire regretter l’une des voix les plus fortes, les plus laconiques aussi, de la littérature italienne contemporaine. Biamonti était de Ligurie. Longtemps il gagna sa vie comme horticulteur. Il élevait des mimosas près de Vintimille. « La tradition de ma région, disait-il, est d’une langue concise, épurée, limitée, âpre, tendue vers l’essentiel. » Comme la plupart de ses personnages, Edoardo, figure centrale du Silence, est un ancien marin venu finir ses jours dans son pays de rocaille, de terre aride, de villages accrochés à la montagne, de vallées étroites dégradées par le tourisme et le béton. Edoardo y rencontre une jeune femme, Lisa, aussi belle qu’ambiguë, dont le mari disparu fut autrefois terroriste. À l’exemple de Biamonti, son héros est surtout torturé par « la conscience de la destruction d’une civilisation qui fut noble et douce, non dépourvue de tragédie, mais qui maintenait fermement une certaine conception de la vie, faite d’intériorité et de silence »… Pas de doute, un récit fragmentaire de Biamonti, c’est déjà tout un roman de Biamonti. Une magie plus poignante encore cette fois… cette dernière fois !