L’Indépendant, 20 novembre 1990, par Serge Bonnery
À l’orée du silence
Il règne sur l’arrière-pays ligurien un silence monacal. À peine entend-on une cloche. Et le sifflement qui donne au vent ses notes méditerranéennes. C’est ici, autour de cette falaise peuplée d’ombres à l’heure violette, que Francesco Biamonti situe son roman L’Ange d’Avrigue.
L’histoire est celle de Gregorio, un marin rongé par l’angoisse des traversées, et qui attend. À Avrigue, tout d’ailleurs est attente. Et mort. La mort brutale d’un jeune garçon, Jean-Pierre, retrouvé au pied de la falaise. Ne dirait-on point qu’il dort ? Mais c’est la drogue qui l’a tué. Ou autre chose.
Gregorio cherche plus à comprendre qu’à connaître le pourquoi de cette mort. Il devient le regard des autres. Qu’il pose sur chaque signe d’un lent glissement vers le rien. Un jour, à force de marches, les paysages d’Avrigue se confondent. Les visages. Et les mots de ceux qui disent encore. Ou simplement parlent. En attendant.
L’Ange d’Avrigue est un long poème. Dans la lignée des Montale et Caproni ce roman se situe à l’orée du silence. Tout de confidences murmurées. De gestes ébauchés, avec pudeur, par des personnages que la mort saisit au vif.
« Le soir, ils allèrent dîner à Poggioscuro, sur le contrefort qui barre, au Nord, le val Creuse. Poggioscuro, village perché, n’est pas abrité et murmure sans cesse dans le vent du soir. L’auberge est un peu à l’écart, dans un bosquet de chênes verts qu’ils parcoururent à pied. » Le roman de Francesco Biamonti est un chant de la terre, dernière demeure de ceux qui n’ont plus rien.