Nuit blanche, décembre 1990-février 1991, par Jacques Martineau

On s’échine du matin au soir sur de maigres champs. La pluie se fait attendre. La récolte est mauvaise. La maladie survient. Il faut s’endetter, vendre le mulet. Puis c’est la guerre qui vient enlever à la terre de jeunes bras. On vit dans la crainte d’être chassé par le propriétaire. Et les joies sont rares. Rien de virgilien dans le tableau que fait Bonaviri du monde des petits métayers siciliens.

Sa technique est assez proche du conte : personnages à la psychologie sommaire, aux contours peu appuyés ; êtres inanimés soudain devenus personnages : on voit les cloches et le vent se mettre à parler. Mais on chercherait en vain les nombreuses péripéties et la drôlerie qui font le charme des contes populaires. Le récit de Bonaviri est fait de la reprise des mêmes gestes, du passage des années qui ne change rien à la misère, de la disparition des plus vieux qui sont remplacés par de plus jeunes promis à la même vie d’exploitation et de disette. Au début du livre, le métayer Massaro Angelo, venu s’installer sur les terres de Don Francesco, croise son prédécesseur renvoyé parce qu’il est trop vieux À la fin, il est renvoyé à son tour et meurt dans le dénuement. La boucle est bouclée. Tout est immuable comme le murmure des oliviers. On voit pourtant poindre la révolte chez Massaro Angelo devenu vieux. S’adressant à son petits-fils, il lui dit : « Apprends à détendre tes intérêts avec les autres paysans. Ne fais pas comme moi, tu comprends ? » Mais cette réaction est si tardive et si timide qu’elle en perd toute signification.

Le grand romancier Vittorini aimait Bonaviri chez qui il appréciait le « sens délicatement cosmique avec lequel [il] représente le petit monde local dont il nous entretient, trouvant jusque dans les herbes et les animaux, les pierres, la poussière, la clarté de la lune ou du soleil un mouvement ou un cri de participation aux pauvres vicissitudes » des personnages. Cet éloge formulé à propos du premier livre de Bonaviri, Le Tailleur de la Grand-Rue, peut s’appliquer parfaitement au Murmure des oliviers. Le roman est accompagné dans cette édition 1990 de trois chapitres d’une œuvre inachevée ; ils sont traduits par Jacqueline Bloncourt-Herselin.