Hétéroclite, octobre 2010
Avec Bastien
« Appelons-le Bastien ». Première ligne, nous sommes en pleine littérature. Pourtant, dessinant à traits précis le portrait d’un acteur porno qu’il faut bien nommer, imaginant la généalogie de ce corps à l’abandon des brutes et des caméras, Mathieu Riboulet raconte les trajets de son propre désir. Comme un refrain, seul ancrage dans la réalité, revient la scène devant laquelle le narrateur transpire : Bastien est étendu sur une table, disponible aux assauts de ses collègues bien montés, qui comme lui s’offrent autant qu’ils se vendent. Dans quels champs a-t-il couru avant de rejoindre les studios des productions pornos ? Où ce corps aux muscles secs et saillants a-t-il été sculpté ? Mathieu Riboulet nous propose des réponses. Bastien a grandi dans un hameau en Corrèze. À L’école, il était secrètement amoureux de Nicolas, mort dans un accident de voiture et terré, depuis, dans le ventre de son camarade qui aurait aimé porter le deuil comme une paysanne. Bastien pratique l’escalade ; Bastien a deux frères, auprès de qui s’est éveillé son désir ; Bastien est ému quand il prend son neveu dans ses bras ; il est heureux parmi les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence qui partagent avec lui et quelques autres « le courage des femmes ». L’auteur alterne et fait résonner l’enfance et l’âge adulte, les anecdotes et les grands moments. Tout paraît cause et conséquence, tout s’imbrique dans un balancement enivrant. Avec Bastien est une toile sublime où le grain de la peau du jeune homme est dessiné avec autant d’attention que le hameau que l’on distingue au loin.