La Libre Culture, 26 mai 1999, par Marie-France Renard
Méditation sur les pouvoirs de l’écriture : journal d’un gardien d’immeuble
[…] L’action se passe à Rome (la Sicile occupe le récit enchâssé), dans un immeuble que la spéculation immobilière a laissé inachevé mais non inhabité. Et, dans ce « petit » milieu, il se passe de bien drôles de choses ! Cette sordide histoire de mœurs est vue et racontée par le gardien dudit immeuble, Tommaso Mulè, un ex-journaliste qui, pour les besoins de la cause, se mue en subtil enquêteur. Plutôt paumé mais doté d’un remarquable humour sarcastique qui l’érige en « spectateur, juge et bourreau » de lui-même et de son entourage, ce monsieur Mulè s’avère même très cultivé, et son talent, loin d’alourdir le texte, l’ouvre à l’infini, avec drôlerie et intelligence.
Mais comme souvent, chez Bufalino, ce premier niveau de lecture n’est que leurre, apparence : « Tout dans le monde est suppléance, prothèse, falsification », fait-il dire à un de ses personnages…
Et l’on découvre que ce récit n’est que le roman écrit par l’ex-journaliste et que la réalité n’est qu’un simple prétexte, « juste une allumette pour enflammer les girandoles de ses visions… » À suivre donc dans ce livre d’une merveilleuse modernité, pour, on s’en doute, d’autres incroyables rebondissements…
Histoire, peut-être, de réussir à « vaincre l’angoisse par l’euphorie du style », comme disait Bufalino.