Bulletin critique du livre en français, juillet-août 2004
Un roman de Jacques Réda est toujours une bonne surprise. Comme ses personnages, le narrateur semble être une émanation, une création du décor où il apparaît par surprise, comme dans certains romans de Modiano. Conditionné par ce décor où il voudrait n’être que spectateur, il devient le jouet d’événements qu’il ne maîtrise pas et qui le propulsent d’Auxonne (en Côte d’Or) sur le Ramsès III, en croisière sur le Nil. Il arrive là-bas en pleine soirée costumée, au cours de laquelle les passagers meurent comme des mouches, et se voit imposer une identité et un rôle qu’il ne peut refuser. Puis tout bascule : les masques tombent comme dans un roman d’Agatha Christie et la sordide vérité apparaît. L’épilogue oniricorocambolesque nous ramène vers une atmosphère plus respirable. L’imbroglio savamment construit n’aura finalement servi qu’à écrire un roman parodique, une danse de mort dont les rescapés ne semblent guère porter les stigmates. Il faut entrer dans le jeu romanesque de L’Affaire du Ramsès III, en accepter les brutaux changements de ton et les invraisemblances, pour goûter ce récit. L’intrigue policière de ces morts sur le Nil est sans doute trop ludique pour être ce qu’elle paraît. Elle n’est qu’un prétexte, l’essentiel est ailleurs, à découvrir en filigrane à travers le texte.