La Croix, 8 mars 2001, par Jean-Maurice de Montremy

Jacques Réda, le verbe flâneur

Recommandation aux lecteurs donc : pour l’année 2001, commencez par les 90 pages du Lit de la reine. Le promeneur y raconte – en quatre récits et un poème – les délices des petites gares désertes, les coulisses d’une ville d’eau sommeillante, l’art des hôtels assoupis (notamment entre Lyonnais et Beaujolais) et l’effroi d’un break portugais le bringuebalant d’un colloque improbable vers un inaccessible bord de mer. Sans oublier, bien sûr, le lit que notre voyageur partagea, s’il vous plaît, avec l’impératrice des Indes. À ce détail près qu’il y avait un siècle entre Victoria et l’embrumé marcheur, hôte un soir de Cambridge. […]

Et l’on découvre une douce bonne humeur, une impertinente pointe de mélancolie, le sens du cocasse : l’art d’être précis sans se réduire au local ou au pittoresque. Nul besoin de connaître Paris, d’arpenter la gare madrilène d’Atocha, ni de savoir faire le tri à Laroche et Migennes (Yonne) pour apprécier cette narration où revivent le sourire et la sagesse, pas si sage, d’un bon lecteur de La Fontaine. À ce détail près qu’ici les animaux sont des rues, des petites routes ou des rails.