Le Point, 3 juillet 2008, par Valérie Marin la Meslée
Zoulou à jamais
Plus de huit cents tableaux, près de deux mille dessins : le peintre noir américain Jean-Michel Basquiat n’a que 27 ans lorsque, le 12 août 1988, il est retrouvé mort dans son loft de New York. L’addiction à l’héroïne met fin à une carrière fulgurante. Dans cette balade sur les traces d’un artiste qu’il aime autant qu’il admire, l’écrivain Jean-Jacques Salgon prend son temps, digresse par principe, musarde, d’une rétrospective à l’autre : Beaubourg, le musée Cantini de Marseille où « King of the Zulus », tableau de 1985, le reçoit dans son palais ». Et encore Brooklyn, où l’enfant prodige grandit et étudia – dans ce musée où sa mère l’avait inscrit – avant de signer ses premiers graffitis du nom de SAMO. Là se produit l’une des scènes les plus émouvantes de ce parcours : des écoliers du quartier, accompagnés par leur institutrice noire, recopient les tableaux de Basquiat. Cette vision, Salgon aurait voulu qu’un « ange s’en empare pour la porter jusqu’à la conscience meurtrie et tourmentée » du Rimbaud de la peinture. Chaque chapitre est un vrai voyage dans la vie de celui qui disait : « Je ne pense pas à l’art quand je travaille, j’essaie de penser à la vie. » Remontée vers les origines haïtiennes de l’artiste, dont Salgon écrit : « C’est avec les yeux des dieux de l’Afrique qu’il cherchait à voir le visage de l’Occident. » Arrêt sur les mots égrenés par le peintre derrière lequel il sait, tapi, un écrivain. Entré en « religion » Basquiat, l’enquêteur traque le moindre indice, met tous ses amis à contribution et se met en scène, mais d’une manière généreuse et profondément évocatrice. Des compagnes de Basquiat il préfère Suzanne, pour laquelle il aurait écrit une chanson… s’il s’était appelé Leonard Cohen.