L’Impossible, octobre 2012, par Michel Butel
Naissance, enfance et renaissance.
Ce qui a lieu est une fête de famille, au sens religieux du terme, c’est-à-dire la joie, la cruauté, les figures monstrueuses que dessine le sexe dans le délire des jours, l’innocence terrible des appétits et des dépenses érotiques toujours recommencées.
À bas bruit, au même instant, la violence du temps qui lasse les ardeurs les plus indécentes et puis les sentiments conformes qui se frayent un chemin comme ailleurs, comme toujours.
Parfois affleure la question du dehors, le regard, la société des autres mais c’est trop tôt, la police des mœurs ne peut pas intervenir puisqu’il y a là une famille unie dans l’infracassable secret de la folie.
La musique de ces années pourrait être composée par Jean-Sébastien Bach.
C’est-à-dire une cantate hors des limites de la foi, une répétition illimitée.
Mais ce qui a lieu est aussi une tragique tentative de tromper le temps, une tentative de nier le temps, une tentative de clore l’histoire de famille sur cette inimaginable dépense sexuelle.
Or les enfants deviennent des adolescents, les jeunes filles muent en jeunes femmes, les sœurs inséparables se dispersent, les parents, qu’a foudroyé sans doute l’air qui passe par la porte ouverte, meurent et de cette brève histoire de formation surgit une écriture, un destin, la chance de l’héroïne narratrice, son fugitif mais éternel désespoir : tous ces actes de vie et de mort pour que naissent un texte, des phrases, des mots, cette grâce inadmissible à jamais perdue pour que vive un écrivain, les rires enfantins du défi devenus les larmes du style et une histoire, la table mise pour dîner ou baiser avec le Commandeur devenue un écritoire.