Actualité des religions, décembre 2000

Le poids des mots…

Des mots pour dénoncer d’autres mots, ceux de la bouillie médiatique, des lieux communs et des stéréotypes, mots carton-pâte, remâchés, ressassés, vidés de tout sens, mots de la télé, de la radio, des discours politiques, des affiches publicitaires, mots de l’incontournable – et un cliché, un ! – communication. Voilà une gageure qu’Olivier Rolin relève avec brio et poésie dans La Langue, petit livre météore de moins de cent pages. Dans un bistrot, une serveuse et un intellectuel de passage discutent le coup. Leur conversation est interrompue par une voix anonyme et bredouillante qui déverse un flot d’infos en forme de borborygmes. L’échange entre les deux personnages d’abord banal, convenu, s’approche peu à peu de l’essentiel : la vie et les mots pour la dire. Loin des phrases-trottoir – « Tu marches dessus sans t’en rendre compte » – l’auteur nous offre des mots-belette « qui te permettent d’agripper les choses ». Et même si sa serveuse est un peu trop douée pour les métaphores, ce n’est pas très grave. La langue est là, de nouveau vivante, exprimant la singularité du rapport de chaque être humain au monde. C’est l’écriture « sans feu ni lieu » qui a permis de l’extraire du magma quotidien où elle s’enlise. Un texte Mal placé, déplacé clôt le livre en proposant le pendant théorique de ce très beau dialogue proche du théâtre de Nathalie Sarraute. Parions qu’il sera bientôt sur une scène…