La Montagne, 15 mai 2011, par Daniel Martin

La mémoire vive

Centenaire couvert d’éloges parce que grand découvreur de littérature, Maurice Nadeau n’a jamais eu le sens de l’utile, ni du rentable.

Avec un peu d’avance – il est né le 21 mai – célébrons le centième anniversaire de Maurice Nadeau. Un homme remarquable pour cent raisons. Et si l’on devait n’en retenir qu’une, ce serait son caractère d’indépendance qui lui a permis de toujours choisir les auteurs qu’il aime et qu’il apprécie, sans se soucier ni de la postérité, ni des mondanités, ni du gain. C’est ainsi, par un retour dont le temps a le secret, qu’il s’est inscrit dans l’Histoire des lettres, pour longtemps.

Peu importe la fonction, critique ou éditeur il a permis à des écrivains d’être reconnus ou de ne pas passer totalement inaperçus, ce qui est déjà énorme quand il s’agit de Perec, Gombrowicz, Kerouac, Le Clézio, Coetzee, John Hawkes ou Beckett, dont il fut un des premiers à mesurer l’importance.

Tant d’autres encore qui lui sont restés fidèles ou non. Nadeau est le découvreur que l’on quitte très vite pour aller se faire publier dans une grande maison. Il en fut ainsi de Michel Houellebecq.

Mais Nadeau, c’est aussi un individu, un mari, un parcours politique. Deux livres reprennent l’ensemble : Grâces leur soient rendues, des Mémoires qui n’ont pas pris une ride bien que vieilles de vingt ans, et Le Chemin de la vie, des entretiens avec Laure Adler. Les deux témoignent de la vitalité, de la verve de celui qui se présente comme timide, de son aplomb dans la repartie, le jugement. De ses engagements.

On croisera dans ces pages des événements, des personnes oubliées. Mais tous tellement importants dans la vie de cet homme et, parfois, celle du monde, qu’il serait dommage de s’en priver.

Maurice Nadeau dirige La Quinzaine littéraire qu’il a créée en 1965 et sa maison d’édition : « Je continue à perdre de l’argent avec ce que j’édite et je me demande où je vais pouvoir trouver de quoi continuer », dit-il.