Le Matricule des anges, 15 novembre 2000
Dans un bistrot où personne n’entre, elle est serveuse. Lui, un intellectuel qui fuit ici un amour perdu. S’il la regarde comme une Emma Bovary, il se voit comme un Don Quichotte et les moulins contre lesquels il se bat parlent mal dans le poste de la radio. Les mots les rapprochent. Lui veut l’emporter dans un univers à la Lewis Carroll pour grande fille (on l’imagine, elle, dans la tenue demi deuil des serveuses). Il lui cite Lautréamont, elle lui parle de son enfance à la campagne : « On aurait dit qu’on cultivait la pluie. » La langue des médias, celle des « nouveaux Maîtres » essaied’interférer. Cette pièce radiophonique est un rêve d’écrivain : grâce aux mots, changer le monde. Sinon celui de tous (on a fait le deuil de cela) du moins celui d’un(e). En épilogue, on lira Mal placé, déplacé écrit pour une conférence sur « le français et le cosmopolitisme ». On ne sort pas du sujet : la langue qui pour peu qu’on la souhaite vivante nous place en exil de nous-mêmes. En évoquant Armand Robin qui passait ses nuits à écouter les radios étrangères, Rolin donne un dernier écho à la pièce.