Le Monde, 20 octobre 2000, par Robert Redecker
La langue et son enjeu
Pour Rolin, la littérature n’appartient ni à une place ni à un terroir, elle n’exprime ni une glèbe ni l’adhésion à une époque, elle ne traduit pas le bruit de son temps ; non, elle est atopique, elle est l’expérience de l’altération de la langue par laquelle les langues résonnent dans la langue de l’écrivain. Aussi loin du discours anonyme imposé à chacun par l’univers médiatico-publicitaire que du farouche intégrisme académicien, l’écriture, ce lieu non commun de nulle part, possède la puissance de sauver tout ce que la première partie du livre estimait perdu : la parole personnelle, singulière – l’écriture ayant libéré la parole –, la pensée, bref la langue redevenue possible.
Olivier Rolin s’est installé dans l’œil du cyclone qui ravage la langue, aussi bien pour méditer cette dévastation que pour (par l’écriture) y échapper. Le résultat en est un livre écrit à vif sur cette ligne de faille du monde moderne qu’est la question de la langue et dont dépend la simple possibilité d’être un humain.