Le Soir, 24 juin 2011, par Pierre Maury

Olivier Rolin voyage avec les écrivains

Bric et broc rassemble des textes épars autour d’une belle colonne vertébrale.

Depuis qu’il n’est pas mort à Bakou1, Olivier Rolin garde, nous en sommes heureux, les yeux ouverts. Il est allé en Sibérie2. Il a aussi rassemblé dans Bric et broc des textes moins disparates que l’annonce le titre.

Les conférences, articles et préfaces sont une sorte de réflexion menée au fil du temps sur sa propre pratique de la littérature, souvent éclairée par d’autres écrivains. Ce livre est un dialogue où interviennent des voix multiples. Le roman, bien qu’il ait failli y renoncer il y a quelques années, lui semble toujours un excellent moyen de bousculer la société. « La politique range (comme semble le suggérer l’expression « mots d’ordre »), le roman dérange. »

Les lecteurs d’Olivier Rolin ne s’étonneront pas de trouver le mouvement comme un des moteurs essentiels de la création romanesque. Il montre ainsi, par exemple, comment Claude Simon, dont l’écriture lui paraît moins « difficile » qu’on le dit souvent, se trouve dans le mouvement qu’il représente avec les mots.

Les routes les moins fréquentées

On attend l’écrivain, bien sûr, sur les routes les moins fréquentées de la planète. Ils ne sont pas si nombreux à s’être rendus à Port-Soudan. Le voici au Canada, près de Vancouver, où il retrouve, difficilement, l’espèce de cabane où Malcolm Lowry vécut de 1940 à 1954, y écrivant Sous le volcan. Avec Nikos Kavvadias, l’auteur du Quart, il repart en cargo, évoque Conrad et Typhon, Gracq et Le Rivage des Syrtes. Il y a Cendrars et sa gueule, « notre Hemingway, en plus vrai ». Les photos de Rimbaud à Harar. Et tant d’autres qu’il semble appeler pour l’accompagner dans une errance sans fin, où toujours se rejoignent la vie et la littérature. Ce qui est probablement pour lui la même chose.

La liberté revendiquée par l’écrivain dans son travail et même les aspects subversifs qu’il y glisse semblaient ne pas l’avoir formé au commentaire. Sinon qu’il ne fournit aucune théorie. Il le regrette d’ailleurs quand il pense à toutes les lectures auxquelles il pourrait se livrer s’il s’y était mieux préparé, ou s’il avait plus de mémoire. Mais Olivier Rolin a la tête ainsi faite qu’il est capable de pêcher un détail ici, un autre là-bas, de les rapprocher d’une manière originale et de passer à côté des clichés sur lesquels d’autres seraient tombés comme dans une ornière. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne perd pas au change.

 

1.   Bakou, derniers jours, « Points », Seuil.

2.   Sibérie, Inculte.