Libération, 24 janvier 1997, par René Solis
Il y a mille façons de résumer Ernesto Prim, et la piste du scénario pour les Branquignoles n’est pas la plus absurde. Une autre, pas contradictoire, mène dans un labyrinthe de miroirs, dont Ernesto Prim serait la figure centrale, un personnage sans mémoire où se projettent tour à tour ceux qui l’approchent, un trou noir aspirant à lui les identités environnantes.
Mais il n’est pas moins légitime de voir dans la pièce un poème musical où la signification des mots compte moins que leur rythme et leur sonorité. Tout aussi vraisemblable, l’hypothèse de la pièce politique, métaphore sur les rapports entre le pouvoir et l’argent à l’heure de la virtualité triomphante. Et pourquoi pas encore, un pastiche de feuilleton XIXe siècle, divisé en trente-trois chapitres aux intitulés accrocheurs, depuis « Hasardeuse découverte d’un amnésique rue des Beaux-Arts » jusqu’à « Ernesto n’est plus là, Julia chante » en passant par « Seul peut être un héros celui qui n’est personne ».
Ce champ ouvert d’interprétations fait le charme de l’écriture de Raymond Lepoutre.