Télérama, 23 avril 2011, par Nathalie Crom
De la profondeur, la désinvolture n’est pas forcément l’antidote. L’une et l’autre vont en réalité plutôt bien ensemble ; dans le couple plus équilibré que paradoxal qu’elles forment, il revient à la seconde de prendre en charge l’élégance, la légèreté, la nécessaire distance. De bric et de broc se compose donc ce recueil de textes, estime Olivier Rolin, choisissant de le titrer ainsi, Bric et broc, rendant compte de cette façon du caractère hétéroclite de l’ensemble – histoire aussi, sans doute, de dédramatiser la chose hautement sérieuse dont il est ici question : la littérature, les ressorts énigmatiques de ce qu’en la matière on appelle beauté. Car « je ne vois pas pourquoi écrire si ce n’est en effet pour arriver à de la beauté avec les mots », pose d’emblée Olivier Rolin, qui en cette quête (plus « hasardeuse », insiste-t-il, que celle du chercheur d’or) dispose d’une « boîte à outils » : les phrases, les livres de ceux qui l’ont précédé, ceux qu’il admire et au contact desquels s’est produite l’étincelle.
Livre d’un écrivain qui médite sur l’acte d’écrire, Bric et broc est, dans un même mouvement, le livre d’un insatiable lecteur, attentif et connivent. Une collection d’exercices d’admiration dans lesquels l’argumentation, le décryptage ne viennent jamais assécher l’émotion esthétique initiale, mais au contraire la soulignent et la sculptent. Dans cette bibliothèque idéale, Les Géorgiques, de Claude Simon, côtoient les Choses vues, de Victor Hugo, L’Iliade est posée au côté de Moravagine,de Blaise Cendrars, Malcolm Lowry tient la porte à Malaparte, Flaubert et Proust sont omniprésents, tout comme l’ombre immense du magicien Chateaubriand… Chez chacun d’eux, Olivier Rolin, l’auteur de L’Invention du monde, de Port-Soudan, a puisé la nécessité de « la phrase belle et juste » qu’il poursuit à son tour. Tendant souvent, dans ce livre remarquable, à cette beauté évidente et saisissante, celle-là qui coupe court à tout commentaire, pour simplement susciter « les larmes, l’envie de se lever et de marcher ».