Communauté des religions, janvier 1998, par A. D. Grad

Il convient sans doute de préciser ici que l’expression Meam Loez est empruntée à un verset des Psaumes. Il s’agit du premier verset du Psaume 114 : « Lorsqu’Israël sortit d’Égypte, la Maison de Jacob, Meam Loez » : c’est-à-dire « du milieu d’un peuple à la langue barbare »… Tel est le titre que choisit d’abord un rabbin de Constantinople, Jacob Culi (1685-1732) pour le premier commentaire en ladino sur la Genèse qu’il rédigea pour les populations juives de l’empire ottoman, alors ignorantes de l’hébreu, et de ce fait souvent détachées des pratiques religieuses.

Après la disparition de l’auteur, d’autres commentaires sur le Pentateuque et même sur d’autres livres bibliques suivirent. S’inscrivant dans le même sillage, le Meam Loez sur le rouleau d’Esther est l’œuvre d’un commentateur dont les nombreuses sources rapportées trahissent la vaste érudition. Il s’agit de Rafael Hiya Pontrémoli, dont l’ouvrage passionnant fut publié à Smyrne en 1864. Albert Benveniste nous en offre aujourd’hui la fidèle traduction.

Composée de dix chapitres, la Meguillath Esther, on le sait de reste, raconte le miracle survenu à Israël au temps d’Assuérus, et fêté depuis à Pourim au mois d’Adar. Elle est présentée ici en dix-sept chapitres pour des raisons traditionnelles. Proverbes, anecdotes et paraboles le disputent aux rappels bibliques, talmudiques, midrashiques ou zohariques. Le seul premier verset est commenté en une vingtaine de pages. On mesurera toute la différence qui existe avec un commentaire « profane », par exemple celui de Dhorme (Pléiade), qui tient en huit lignes d’une grande banalité.

Pour comprendre le Livre d’Esther, la lecture du Meam Loez de Pontrémoli est d’un appoint considérable. Aux uns, elle rappelle les leçons des grands maîtres de la tradition hébraïque, aux autres, elle révélera, sur un ton convivial, les préceptes fondamentaux ignorés d’un large public demeuré dans la grande Attente. L’ouvrage est publié sous les auspices de l’Alliance Israélite Universelle, avec un bref avant-propos de Roland Goetschel.