BCLF, novembre 1998

Après les éditions du Zohar sur la Genèse et sur le livre de Ruth, celle que consacre Charles Mopsik au Cantique des cantiques et au Midrash-ha-néélam qui le précède est la première traduction existante en français de ce texte. Très soigneusement annotée (843 notes), elle est précédée d’une introduction substantielle de trente-deux pages, qui précise essentiellement les points suivants : le genre (un dialogue entre Élie et le Tanna Siméon bar Yohai) ; la relation à la cabale espagnole, avec les principaux thèmes qui la caractérisent, ainsi celui de l’anatomie divine, et par ailleurs le rôle prééminent accordé à l’interprétation des lettres ; la place essentielle du Cantique des cantiques dans le Zohar, avec le lien entre les lettres de l’alphabet (pas seulement les consonnes) et les sefirot ; l’interprétation en termes de « guerres magiques » du combat entre Israël et l’Égypte ; l’interprétation originale des acteurs : le Bien-Aimé assimilé à la dimension masculine du monde divin et la Bien-Aimée à sa dimension féminine, la Shekinah. Finalement, on est bien en présence d’un commentaire, mais avec la spécificité qu’il ne s’agit pas de « fournir l’élucidation dernière » du texte (« le sens de chaque verset est infini », p. 28), mais de « mettre en scène le monde divin », à partir de 1’idée d’une « non-séparation entre la source divine de l’Écriture et le tissu littéraire biblique » (p. 29). Seul le premier chapitre du Cantique des cantiques est ainsi « commenté », à l’aide de nombreuses références à la Bible (surtout au Pentateuque) et bien sûr au Talmud et à l’ensemble de la littérature cabalistique. Comme dans le reste du Zohar, l’interprétation par les lettres, souvent compliquée (« tortueuse » admet même Ch. Mopsik) est très développée : « par le secret des lettres tout a été édifié » (p. 81). Les formes littéraires sont variées, ce qui ne dépayse pas par rapport à l’ensemble de la littérature rabbinique et précisément cabalistique : discursives et dialogiques, souvent descriptives (« les chambres du jardin d’Éden », p. 103 sq.), ou narratives (« parabole du roi qui voulut protéger son serviteur », p. 90). Mais il faut remarquer qu’ici, plus qu’ailleurs peut-être, elles concourent toutes à former un genre poétique d’autant plus original que la source en est le Cantique des cantiques.