Études théologiques et religieuses, nº 3, 1988, par Daniel Lys

Il faut saluer joyeusement ce bel ouvrage ! D’abord parce qu’il fait honneur à un éditeur de province, dont le catalogue offre par ailleurs de nombreux écrits du judaïsme. Ensuite parce que pour la première fois en français on va avoir cette œuvre rabbinique capitale, pour laquelle le non-hébraïsant devait jusqu’ici avoir recours aux 10 vol. de 1’édition anglaise Soncino. Elle prend place entre le Targum (cf notamment ETR 1978/4, 535 et 1982/1, 123 et 1988/3) et le Talmud (dont on trouve chez Colbo, en voie de publication, la Michna en texte et traduction et la Guemara de Babylone seulement en traduction avec une autre traduction de la Michna). Le présent volume ne comprend que la moitié de Genèse Rabba et va de la création au sacrifice d’Isaac.

Un midrach, c’est une exégèse, mais d’un style différent de la simplicité littérale du pechat cher à Rachi. Il s’agit de la recherche du divin dans un passage biblique (pas simplement de discussions de rabbins comme dans la Michna) en relation avec le monde : on trouve déjà cela dans la Bible. D’abord sur les parties législatives du Pentateuque (halakha) : Sifra du Lévitique, Mekhilta de l’Exode… Puis sur les parties narratives (aggadah) : Genèse Rabba, Lévitique R., mais aussiLamentations R., Esther R., Cantique R., Ruth R., et la Pesiqta de Rav Kahana. Et plus tard un couplage des deux genres, avec entre autres Tanhouma, DtR, ExR EcclR… L’introduction revient alors sur GnR et le genre aggadique, considéré à tort comme une « libre improvisation » aux « procédés arbitraires », mais plus rigoureux qu’il n’y paraît d’abord ; car c’est non pas une aveugle compilation mais une anthologie, parce que la parole humaine ne peut être que partielle et le paradoxe permet de s’assigner la finitude. C’est cependant bien le texte biblique qui guide l’interprétation, mais comme un prisme réfractant le sens de chaque terme en autant d’acceptions que de contextes où on le rencontre, dans une lecture synoptique.

Qu’on en juge par 1’ « ouverture » de Gn 1/1 qui rapproche ce v. de Prv 8/30 et éclaire alors les sens du mot amon comme « pédagogue » à partir de Nb 11/12, « enveloppée » Lm 4/5, « dissimulée » Est 2/7, « éminente » Na 3/8, et aussi « artisan ». Mais on a une autre « ouverture » avec Ps 111/6 ; une autre encore avec Ps 86/10 etc. Faudra-t-il plus tard s’étonner de voir Job (à qui Satan prend ses enfants et à qui Dieu répond en montrant sa maîtrise des monstres marins) intervenir à la cour de Pharaon (qui fait tuer les nouveau-nés hébreux et qui meurt noyé) ? Ce n’est là que mettre en relation deux livres bibliques et commenter un texte par un autre, en ayant posé au préalable l’unité fondamentale de l’Écriture. Certes il faut se méfier de l’arbitraire et du fondamentalisme. Mais il faut aussi réfléchir à des rapprochements suggestifs pour l’étude critique et historique elle-même, p. ex. la séparation des eaux à la création, à l’exode et à l’entrée dans le pays promis…

La traduction est accompagnée en bas de page par des notes abondantes citant le texte, par des références bibliques et rabbiniques, des explications, des renvois à divers ouvrages. Le volume se termine par un précieux index de références des textes parallèles dans la littérature rabbinique, divers renseignements sur les rabbins dont les points de vue sont cités dans GnR, une bibliographie et un glossaire. Espérons que le volume final comportera (comme dans l’éd. Soncino) des index thématiques, scripturaires et talmudiques facilitant la recherche à travers l’ensemble.