L’Histoire, avril 2013
Filmer la guerre
Après Les Écrans de l’ombre. La Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (CNRS Éditions, 1997) et « Nuit et Brouillard ». Un film dans l’histoire (Odile Jacob, 2007), Sylvie Lindeperg poursuit son exploration érudite d’une source historique si particulière : les archives filmées. Du camp de transit de Westerbork, aux Pays-Bas, à celui de Terezin, en Tchécoslovaquie, du maquis du Vercors au Paris insurgé, elle analyse quatre histoires de tournage du printemps et de l’été 1944. Et interroge les documents. Qui a filmé ? Que nous révèlent les images ? Un travail de remise en situation d’images devenues archives. Bref, un travail d’historien.
Mais cet ouvrage offre aussi une réflexion passionnante sur l’utilisation actuelle des images, notamment celles de la Seconde Guerre mondiale dans les films contemporains, qu’ils soient fictionnels ou documentaires. Dans un premier chapitre intitulé « Les tyrannies du visible », Sylvie Lindeperg évoque ainsi cette tendance qui consiste à vouloir plonger le spectateur dans le « spectacle total de l’histoire » pour lui faire revivre le passé comme s’il y était. Et par conséquent, le besoin de tout rendre visible… à n’importe quel prix, comme si, en l’absence d’image, l’événement pouvait ne pas avoir eu lieu.