Télérama, 23 mai 2012, par Juliette Cerf

« Voir, c’est cacher, c’est toujours sélectionner, et donc occulter une partie du visible. » Issu de la pensée d’André Bazin, ce credo selon lequel le cadre est aussi un cache est le fil d’Ariane de ce labyrinthe de textes publiés entre 2004 et 2010 par Jean-Louis Comolli. Ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma devenu réalisateur, l’auteur, qu’il revête les habits du critique ou la casquette du documentariste, file une réflexion passionnante sur le hors-champ. Un invisible qui trace une ligne de partage entre les images produites par les médias et celles créées par le cinéma : le « régime de l’information » postule en effet avec morgue et en temps réel qu’« il n’y aurait rien d’autre à voir que ce qui est montré »… En un geste toujours très politique, Comolli choisit le retrait propre au septième art contre « l’avancée sans vergogne du spectacle ». En témoignent tous ces plis secrets où se logent les œuvres aimées par le critique : Abbas Kiarostami, Roberto Rossellini, Frederick Wisemanou Pedro Costa. Sans oublier Straub et Huillet, dont Comolli fait sien l’un des titres mystérieux : Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer