Le Monde, 18 décembre 2009, par Samuel Blumenfeld

Le livre du jour : Le IIIe Reich et les Arabes

Il n’existait à ce jour aucune étude globale retraçant l’évolution des relations germano-arabes entre 1933 et 1945, et portant un regard critique sur des positions idéologiques communes et des actions stratégiques concertées durant le deuxième conflit mondial au Proche-Orient. Le travail accompli par deux historiens allemands, Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann, comble un vide historiographique.

Leur thèse est simple. Loin d’être un lieu de coexistence entre Juifs et Arabes, la Palestine devient, à partir de 1929, le théâtre d’affrontements sanglants. Une haine commune vis-à-vis du « Yichouv », la minorité juive qui habite la Palestine, fonde une affinité croissante. La politique étrangère allemande soutient indirectement les nationalistes arabes, qui découvrent chez les nazis des alliés susceptibles de les soutenir dans leur combat d’émancipation. Cette alliance stratégique passe par des connivences idéologiques. À partir de 1938, plusieurs articles parus en Egypte, en Syrie ou en Libye comparent le Führer au prophète Mahomet. Al-Husseini, le mufti de Jérusalem, leader des Arabes de Palestine, soutien indéfectible des nazis durant toute la guerre, fait, dès le début des années 1930, référence aux Protocoles des Sages de Sion – un faux document forgé en Russie par la police du tsar.

Le débarquement de l’Afrikakorps en Libye, en 1941, marque le début de l’intervention directe de l’Allemagne au Proche-Orient. L’objectif est de chasser les Britanniques. Il s’agit aussi – c’est l’un des cet ouvrage – d’étendre au Yichouv, avec l’aide de collaborateurs arabes, l’extermination commencée en Europe. Les plans sont déjà dessinés. Les nazis ne pourront donner suite à ce projet à cause de l’échec de la bataille d’El-Alamein.

S’appuyant sur des archives allemandes, Cüppers et Mallmann montrent comment plusieurs des leaders de la population arabe de Palestine, à commencer par le mufti de Jérusalem, furent des protagonistes de ce conflit. Il reste à écrire la version arabe de cet épisode, à partir d’autres archives, mais ce n’est pas l’objet de ce livre passionnant.

Enfin, l’ouvrage offre un éclairage bienvenu sur les racines de l’actuel conflit israélo-arabe et la persistance de la propagande nazie dans certains mouvements islamistes. Là aussi, le passé permet plus que jamais d’éclairer le présent.