La Liberté, 5 juillet 2008, par Alain Favarger
Un essai sur Pierre Michon
Fils d’instituteurs né dans la Creuse en 1945, Pierre Michon est un écrivain rare, qui publie peu, en général des livres brefs, à la langue épurée et ciselée. Cet auteur du silence, convaincu que la littérature a besoin de patience et de secret, fascine depuis la parution de son premier livre, Vies minuscules (Gallimard, 1984), une petite cohorte d’admirateurs et d’inconditionnels. Parmi lesquels le critique littéraire Jean‑Pierre Richard, auteur en 1954 du fameux Littérature et sensation (Ed. du Seuil). Dans un petit essai stimulant, il s’attache à décortiquer l’univers et les obsessions de Pierre Michon, en particulier l’imprégnation de ce dernier par Rimbaud (on aurait pu ajouter Haubert, Melville ou Faulkner) et par les œuvres de Goya et Van Gogh. Chez le maître espagnol, c’est la recherche d’une forme d’équilibre qui attire, dans l’exaltation d’une culture de la sensation, proche des jouissances simples, ce goût de l’instant qu’apportent la douceur de l’air, les oiseaux d’une tonnelle, le soleil dans les verres, les causeries infinies ou les œillades des majas.
Désir de sensualité contrastant avec les visions cauchemardesques hantant par ailleurs ce peintre de la noirceur et de la chute. Cependant que dans les toiles de Van Gogh, Michon traque les motifs du vent et de la colère, des cyprès tordus aux champs de blé soulevés et cardés par le mistral, ce perturbateur finissant par gouverner l’acte créateur. Une belle métaphore du maelström artistique.