Libération, 16 décembre 2006, par Catherine Halpern

Parménide, de l’étant au monde

Deux mille cinq cents ans après, lire Parménide est une gageure. Du livre que le philosophe présocratique avait conçu, il ne nous reste malheureusement que quelques fragments et des résumés anciens de la doctrine légués par la doxographie. L’obstacle pour Jean Bollack n’apparaît pas insurmontable : « Il faut réunir tout ce qui reste jusqu’aux miettes et tenter de reconstruire des ensembles, petits et grands ; on parvient plus loin qu’on ne l’a cru. » Mais le texte a aussi été recouvert par les nombreux commentaires. Bollack les tient en respect pour tenter de retrouver le sens de cette opaque mais hypnotique pensée de l’étant et du monde. « Il faut lire Parménide sans faire le détour par Platon », commence-t-il. Cela veut notamment dire s’émanciper de la lecture exclusivement ontologique faite trop souvent de Parménide pour intégrer sa cosmologie. Jean Bollack s’attache donc avec patience et minutie à restituer le sens du texte retraduisant, expliquant ses choix, interprétant, discutant les commentateurs. Un chemin exigeant et difficile pour une pensée qui ne l’est pas moins.