Livres hebdo, 13 février 2009, par Jean-Maurice de Montremy
Couleur de Dieu
Né en 1940 à Téhéran, Youssef Ishaghpour s’est imposé par ses ouvrages sur le cinéma, notamment son monumental Orson Welles en trois volumes (La Différence, 2005). On lui doit aussi d’excellents travaux sur la littérature, la philosophie et la peinture. Ainsi de La Miniature persane,dont une première version avait paru en 1999 chez Farrago.
En Occident, où domine la théologie de l’incarnation, la matière et « le monde des phénomènes » sont transfigurés, rachetés, par leur accession à la forme idéale. En Chine tout se joue dans la relation du plein au vide. En Iran – dont le genre suprême est la miniature –, les artistes et les mystiques recherchent « la transsubstantiation alchimique de la matière en couleurs de lumière ».
Youssef Ishaghpour cite un verset zoroastrien du VIIIe siècle avant notre ère : « C’est grâce à Sa lumière que l’univers s’est vêtu d’une parure de joie. »
L’histoire et la métaphysique de la miniature persane reposent sur le ravissement. Le spectateur n’est pas dans l’image (comme en Chine) ou devant elle (comme en Occident) : il est « fasciné par les images d’un univers de songe qui l’enchantent, le captivent, le charment, l’apaisent et le consolent. » L’univers n’est pas un espace-temps mais une lumière toujours plus intense : « le monde existe et, par ses couleurs, se rend visible. » Ce qui s’accompagne d’une révolution littéraire et poétique.
Clairement, avec un art élégant de la synthèse, Youssef Ishaghpour suit l’aventure historique, esthétique et spirituelle de la miniature de la Perse préislamique jusqu’aux cent soixante-quinze années de son apogée irano-musulmane (fin du XIVe, milieu du XVIe). Si bien que ce beau petit livre ne se contente pas d’éduquer le regard. C’est une introduction lumineuse à la civilisation de l’Iran.